Répression – Business Report (une perspective cynique)


Disclaimer  (Avertissement) :

L’utilisation  du terme « business » de ce texte n’incrimine pas le capitalisme. Il ne s’agit que de traduire dans la langue des grandes corporations internationales une tragédie globale, afin de ne pas l’oublier.

Overview (Vue d’ensemble) :

De la même manière qu’une multinationale commerciale ouvre des représentations, ou bien des unités de production dans plusieurs pays, pour développer ses parts de marché, sa valeur de marché, on peut parler de la même façon de l’expansion d’une multinationale idéologique, celle du communisme de l’Union Soviétique. Si nous regardons cela débarrassés de toute empathie, avec un cynisme parfait, nous pourrions dire que le stalinisme imposé à l’Europe de l’Est juste après la seconde guerre mondiale a été réalisé avec un grand professionnalisme, sur la base d’un « business plan » bien construit, en obtenant les résultats escomptés. De la même façon que Coca-Cola ouvre une usine et installe une ligne d’embouteillage, ainsi que les normes et les règles attentivement suivies par une équipe de management d’expatriés, qui forme ensuite une équipe de management locale, on peut  aussi parler de l’instauration d’un régime totalitaire complet. Celui-ci est d’abord conduit par des expatriés comme Vâșinsky ou Ana Pauker et d’autres, appuyés par les troupes de l’armée rouge stationnées dans le pays occupé, puis remis, avec un « manuel d’utilisation » complet, à une équipe locale,  d’où a émergé de l’ensemble du conseil d’administration un « CEO », tel que Gheorghiu aussi appelé Dej.

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C’est la seule explication que j’ai trouvé au fait que les images de propagande des pays de l’Europe de l’Est semblent exactement les mêmes, l’intonation du commentateur est si semblable que vous avez même la sensation que c’est la même personne qui parle en roumain et en bulgare, en hongrois ou en tchèque, etc. Les récits de survivants de la répression sont identiques, parce que la méthodologie appliquée par les soviétiques était la même. Par ailleurs, en illustration, en fin de cet article vous trouverez deux liens, l’un vers un épisode du Mémorial des Douleurs et l’autre vers un film documentaire bulgare, « Les survivants« , d’Atanas Kiriakov (vous pouvez lire une rencontre avec elle dans l’article 7 kilomètres….). Ces dernières racontent de façon hallucinante exactement les mêmes tragédies, interrompues par les mêmes images d’époque où il semble que seule la langue diffère. La stupéfiante ressemblance de ces deux films ne peut avoir d’autre explication que dans la globalisation du régime communiste, pensé, peut-être ironiquement, dans les mêmes termes stratégiques que l’expansion globale d’une corporation capitaliste. Toutefois, au lieu de hamburgers, nous avons des expropriations et des collectivisations, au lieu des boissons rafraîchissantes, nous avons, hélas ! Autant de larmes, au lieu des cigarettes, nous avons des balles de fusil…

Le véritable vainqueur de la seconde guerre mondiale fut l’Union Soviétique.  Le but de cet article n’est pas de développer plus encore cette idée, mais lorsque je parle ainsi, j’ai à l’esprit les objectifs atteints par les soviétiques :

  • Acquisition de nouveaux territoires
  • Prise de contrôle complète de la direction de la majorité des pays de l’Europe de l’Est.
  • Extension de son influence sur toute l’Europe et sur une grande partie de l’Asie.

Regardons de plus près une partie des fonctions support de cette multinationale idéologique : le département RH, pardon, le Ministère des Affaires Internes.

Case study : Roumanie

Executive Resume

La multinationale idéologique Union Soviétique a choisi de ne promouvoir personne du pays fraîchement entré dans le groupe par « OPA hostile », d’autant plus qu’il avait été associé à un objectif dont le principal concurrent sur la place du totalitarisme, une compagnie aussi multinationale, dénommé l’Axe (ayant son siège en Allemagne et de puissance filiales en Italie, en Espagne, au Japon, etc.). A côté d’une équipe d’expatriés de seconde main, amenée pour mettre en place la stratégie de soviétisation, ont été récompensés avec de bons postes une bonne partie des anciens trafiquants locaux de drogue idéologique. Le produit étant d’une qualité exécrable, ils n’avaient pas eu beaucoup de succès, ils sont restés plus longtemps en prison, se faisant plutôt remarquer par des luttes de pouvoirs intestines pour des territoires, de sorte que, après que leur chef Foriș soit éliminé par un coup mortel de pied de biche, Gheorghiu Dej devient la grande espérance du management local. Une fois que la nouvelle direction conduite par cet obscur personnage s’est installée, la mise en place du nouveau business plan post joint-venture a eu un délai de réalisation très serré, imposé par la corporation moscovite.

Scope

La sécurité d’État était un département qui réalisait ses objectifs à un bon niveau voire à un très bon niveau. Concrètement, les mouvements extrémistes de gauche furent près totalement annihilés, et la destruction de ceux de droite était en bonne voie. Toutefois, en 1948, les objectifs principaux changent, la politique de recrutement, et évidement les critères de performance aussi. La police politique de Roumanie sort du domaine « support » et transforme en un nouveau « core business ». Du fait que la représentation des Carpates dans le totalitarisme global avait comme mission, vision et valeur des idées d’extrême-gauche, le communisme est sorti de la liste noire, remplacé par la droite et la totalité de la démocratie (le totalitarisme, comme son nom l’indique, ne propose pas d’objectifs réalistes, mais totaux, sans demi-mesures).

En conséquence, le premier objectif majeur qui devait être atteint afin de faire aboutir avec succès la stratégie, fut que personne ne sache plus rien sur la normalité, équivalent au bon sens en démocratie.

La politique de recrutement a été inévitablement difficile à construire d’après des critères normaux. Car le management lui-même était composé d’hommes n’ayant qu’une expérience de business, limitée à de petites fraudes politiques, certainement pas celle d’une entreprise d’envergure. Mais l’important était l’enthousiasme, c’est ainsi que l’on est passé à l’embauche d’éléments dont les caractéristiques étaient : éducation – zéro, inclination à la violence – maximale, discernement – totalement absent, obéissance – maximale, responsabilité antérieure – aucune ou insignifiante, revenus antérieurs – idem, cerveau – aussi sale et lisse que possible (afin qu’il puisse être lavé avec une efficacité maximum en utilisant un détergeant idéologique expérimental), je répète, l’enthousiasme était complet.

Le critère de performance principal était d’obtenir tout en un minimum de temps possible (1 an). Les VP de cette première tranche d’employés furent des gens tels Alexandru Drăghici, Alexandru Nicolski ou bien Gheorghe Pintilie (les deux derniers qui faisaient de la répression un « art », avaient des noms de scène). Parmi ceux qui ont été remarqués sur le parcours, par leur grande efficacité à renoncer complètement à toute forme d’humanité, et en position opérationnelle dans la business unit (dans le bâtiment on parle d’hommes de terrain maniant la truelle, la taloche et la pioche), on peut dénombrer d’autres employés comme Ion Cîrnu, Moritz Feller, Alimănescu etc. Et puis aussi certains chefs d’équipe parmi lesquels Pavel Aranici, ou bien, un peu plus tard Nicolae Pleșiță, promus entre-ceux qui avaient les meilleurs relations avec le top-management (la relation consiste en généralement à nettoyer à coup de langue les bottes et la lingerie des chefs).

Une fois les objectifs signés par les deux parties, tout le monde s’est mis au travail et il s’est déroulé plutôt bien dans l’ensemble, du moins d’après la majorité des indicateurs. Un bon exemple est le nombre de membres du parti : environ 800 en 1944, autour d’un million en 1949, et à long terme, autour de 4.000.000 en 1989, une croissance réellement spectaculaire. Un autre exemple est le nombre de « concurrents » politiques : zéro précisément à partir de 1947, ainsi que le nombre d’entreprises privées moyennes ou grandes : zéro à partir de 1948. La méthode de l’écrasement a donné des résultats étonnants.

Risk Assessment and Mitigation

Juste après que le logo (formé d’un dessin simple mais efficace, ainsi que le demandent les règles d’identité corporative : un marteau et une faucille croisés) soit affiché partout, en incluant tous les templates, est apparu un petit problème. Ce léger problème, résolu un peu plus difficilement, fut l’apparition de certains opposants, qui ont refusé d’appuyer les nouvelles visions administratives  et ont choisi la lutte les armes à la main, littéralement. Les méthodes de type surpuissantes (écraser une mouche avec un marteau !), basée sur une grande consommation de balles de fusil ont échoué. Plus encore, les soldats, inaccoutumés avec ce type de combat, n’aboutissaient qu’à se tirer les uns sur les autres. Un haïdouk tombé étant remplacé par un autre issu du groupe d’hommes qui le soutenait, car dans ces situations, la violence à l’état pur, tant appréciée par les tortionnaires roumains, produisait des effets opposés à ceux attendus.

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En principe, il existait deux risques :

  • Des « réformes » retardées : collectivisation, soviétisation, nationalisation, (et pourquoi pas ?) régionalisation.
  • La démonstration que le système n’était pas infaillible. L’apparition d’une alternative à la « perfection ».

Ainsi, le mécanisme répressif devait être amélioré. Et entre ici en scène le Consulting venant de la Corp : le NKVD, comme il se nommait à ce moment, connu à une époque plus récente sous le nom de KGB.

L’expérience du consultant était très vaste. Depuis l’époque de la guerre avec l’Axe, des formes de résistance furent aussi présentes dans d’autre pays, dans une gamme variée de modus operandi, avec généralement un degré élevé de danger, des tendances « syndicalistes » qui pouvait causer jusqu’à la faillite des succursales locales de communisme. Ainsi, en Pologne, un mouvement similaire, formé en général de militaires, a lutté tant contre l’Axe (« Armia Krajowa”) que contre les soviétiques (« Les soldats maudits ») depuis la guerre, ralliant jusqu’à 53.000 membres. En Ukraine, le « marketing » nationaliste de certains groupes similaires (« UPA ») était sur le point de causer de grandes pertes de territoire tout prêt du centre de pouvoir de Moscou. Les pays baltes, aussi petits qu’ils soient, se sont révélés aussi combatifs, causant eux-aussi des problèmes (« Les frères des forêts »). Jusque même en Bulgarie (« Goryanstvo »), où ses montagnes étaient pleines de haïdouks. Même chose pour la Yougoslavie (« Oustachi »). Autour de 1949, Tous ces mouvements avaient été détruits, or précisément en Roumanie, ces agissements échappaient à tout contrôle. Une situation Inadmissible.

Aussi, de nouvelles techniques ont été adoptées, combinée avec la « planification de mesures » dans leurs variantes les plus atroces, rappelés ici :

  • Recrutement d’informateurs dans le plus grand nombre possible  (jusqu’à 300 dans le cas Șușman),
  • Couper les ressources des haïdouks (jusqu’à 1000 poursuites dans le cas de Gavrilă),
  • Désinformation par la propagation de rumeurs et légendes plutôt digne de la littérature à sensation (Tous les haïdouks étaient des légionnaires, dans le cas contraire, ils étaient d’ancien délinquants de droit commun),
  • Infiltration d’agents sous couverture (qui a échoué après un bon début, mais a prouvé ses limites dans le cas Gavrilă),
  • Monter toutes sortes de pièges  (l’émigration en Grèce).

Les résultats ont tardé à apparaître, mais, sont finalement venus, les deux derniers haïdouks étant éliminés très tard : seulement en 1962. L’un d’entre-eux a été finalement tué, et l’autre n’a seulement été capturé qu’en 1976, entre-temps retiré de son activité. Tout ceci avec un énorme engagement financier et de ressources, jamais véritablement quantifiée. Cette dépense, sans qu’il ait été calculé un quelconque ROI (return of investment), a aussi généré ultérieurement la mise en retraite ou au placard, avec un paquet compensatoire consistent, de la plupart des noms mentionnés auparavant (Drăghici, Nicolski etc.).

Conclusion

Évitons, dans ce contexte, le mot « partisan », parce que, outre l’origine soviétique du nom, ces hommes ne soutenaient aucun parti. S’ils l’avaient jamais fait, maintenant, dans la forêt, il ne se poserait plus le problème de quelque réunions ou cotisations. Ils agissaient conformément à une idée si commune, même si elle s’est émoussée depuis, il s’agit de la dignité.

En l’absence d’une quelconque forme d’opposition, toute minime que soit son organisation, dans les années qui ont suivi l’élimination des haïdouks, la filiale de Roumanie de la multinationale communiste, conduite par un groupe criminel de la pègre politique, est devenue la maîtresse absolue des vies de toutes les personnes.

La multinationale a fait faillite en 1989 mais sa gigantesque dette entre toit le monde est resté à ce jour non recouvrée. De plus, aucun membre du management n’a été mis en prison. En fait, dans les anciens territoires où le totalitarisme s’est écroulé, les anciens employés des entreprises ont essayé, certains avec succès, d’obtenir de bons jobs dans le monde d’aujourd’hui. Un travail politique ou économique important, évidemment. Ils existent parmi nous et nous regardent sereinement, nous demandant impérativement de leur faire confiance. Sous leurs costumes de prix, qu’ils se sont habitués à porter, on peut encore voir les traces de sang avec lequel ils se sont souillés dans cet abattoir dédié à l’extermination de l’élite qui fut, pendant plus de 50 ans, ce que nous avons coutume d’appeler « notre pays ».

Support document : Luminița Banu – Ultilizarea rețelei informative în reprimarea rezitenței armate anticomuniste (L’utilisation des réseaux informatifs pour la répression de la résistance armée anticommuniste), publiée dan Mișcarea armată de rezistență anticomunistă din România. 1944-1962 (Le mouvement de la résistance armée anticommuniste de Roumanie, coord. prof. univ. dr. Gheorghe Onișoru, București, Editura Kullusys, 2003, pages. 317- 333.

Le film : Memorialul Durerii (Le mémorial de la souffrance) – un documentaire fleuve dont vous avez très probablement vu au moins un épisode (Note du traducteur : un documentaire des années 1990-2000 extrêmement poignant et connu par les roumains).

Memorialul Durerii est une série documentaire de télévision qui présente la persécution, les prisons, les camps de travaux forcés et la Securitate de la période communiste en Roumanie, réalisé par la TVR , dont le principal producteur est Lucia Hossu-Longin. Memorialul durerii comporte120 épisodes 120, achetés par la Bibliothèque du Congrès American et les archives Hoover [1]. Plus de  100.000 minutes ont été filmées, dans lesquelles où figurent des survivants des prisons communistes. Il n’y a aucune différence entre ce dernier et le film documentaire bulgare « Les survivants » (Un film documentaire du régisseur bulgare Atanas Kiriakov, traitant du goulag bulgare, respectivement des goulags de Belene et Loveci, en Bulgarie.)

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