En 1947, après la guerre, à Lucerne, se sont rencontrés deux des plus grands artistes de leur temps, Wilhem Furtwängler, chef d’orchestre, et Yehudi Menuhin, violoniste, pour jouer ensemble le plus beau concert pour violon et orchestre, celui de Beethoven. Un allemand et un juif réconciliaient le monde, en interprétant la musique de l’humanité universelle, le pardon demandé et accordé, le plus pur, le plus émouvant, le plus beau. « Celui qui a tenu une fois dans sa main un violon ne pourra plus jamais tenir dans ses mains un fusil » (Frederica von Stade).
Witold Pilecki a été oublié pendant 50 ans, parce que la Pologne communiste n’avait pas le droit de parler de lui. En Roumanie il est encore trop peu connu aujourd’hui.
Né en 1901, dans une famille de Polonais déportés en Russie tsariste à la suite de la défaite de la révolte polonaise de 1864, son grand-père passera 7 années en Sibérie. Adolescent, au temps de Première guerre mondiale, il a fait partie d’un groupe de scouts, prenant une part effective dans plusieurs affrontements avec les troupes bolcheviques, et dans la période 1918-1921 (Guerre soviéto-polonaise), il a lutté dans l’armée polonaise lors des batailles de Kiev, Varsovie, dans la forêt de Rudniki et à Wilno (Vilnius, alors polonaise).
Pendant l’entre-deux guerres, il a travaillé pour reconstituer la ferme et la communauté dont il faisait partie avec une telle persévérance qu’il a été décoré en remerciement de ses efforts pour la reconstruction de la Pologne.
En 1939 il laisse son épouse et ses deux enfants pour combattre l’Allemagne qui avait envahi le pays. L’armée polonaise est défaite, mais son unité se retire vers la tête de pont polono-roumaine, afin de permettre l’émigration vers la Roumanie (alors alliée) de 120.000 polonais. Il participa ensuite à la prochaine défaite de l’armée polonaise face à l’Armée Rouge qui avait envahi à son tour la Pologne. Dans ces conditions il fonde, avec d’autres patriotes polonais, de nombreuses unités de guérilla, qui se sont consolidées dans ce qui allait devenir ce que nous connaissons comme « Armia Krajowa », la résistance militaire polonaise.
En 1940, il se fait volontairement arrêté, prétendant être juif, cela afin d’être interné au camp d’Auschwitz. Son plan était de confirmer de l’intérieur ce que l’on soupçonnait qui se passait là-bas. Il survécu aux enquêtes, aux coups, aux maladies, aux travaux épuisants pendant 3 ans, années durant lesquelles il a essayé d’organiser une révolte, échouée ainsi qu’une évasion, réussie. Il écrit Le rapport Pilecki adressé aux Alliés, et interprété par les britanniques comme une grossière exagération. C’est seulement en 1945, lorsqu’un second évadé d’Auschwitz, un juif, a confirmé les dires de Witold, le monde a pris en considération avec horreur, que près de nous, se trouvait le cœur de l’Holocauste.
Quelle humanité contenait son action ? Jusqu’où peut-on aller pour se soucier de ses semblables ? Jusqu’à quel point faut-il aimer son pays pour que l’on ne supporte pas que de telles choses s’y passent ? A côté de ce Polonais, le personnage principal du film La liste de Schindler parait secondaire. Une humanité absolue.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En 1944, les Soviétiques ne souhaitent pas soutenir l’armée polonaise clandestine dans la libération des camps, ainsi l’abattoir continue à exterminer massivement des hommes pendant encore une année. Witold participa à la révolte de Varsovie, par laquelle il a essayé de libérer la ville avant que les Russes ne le fassent. La révolte est écrasée et il est fait prisonnier et interné dans un camp en Italie, jusqu’à la fin de la guerre.
Il retourne en Pologne et participe à la résistance armée anticommuniste, en gardant le lien avec le gouvernement polonais en exil. En dépit du fait qu’il est informé que sa couverture a été découverte, il refuse de fuir et recueille le plus d’informations possible sur les abus et les exécutions des goulags dans lesquels sont enfermés ses compatriotes.
Il est capturé en 1947, torturé pendant l’interrogatoire, jugé en procès public, classique de ces années, étant alors accusé d’espionnage. Il est abattu le 25 mai 1948 dans la prison de Mokotow à Varsovie.
En ce qui concerne sa bibliographie, je ne le connais par un seul livre sur Witold Pilecki publié en Roumanie. J’ai trouvé toutes les informations sur internet. Ma seule recommandation est Le concert pour violon et orchestre de Ludwig van Beethoven (enregistré en 1953, avec Yehudi Menuhin – violon, Wilhelm Furtwangler – chef d’orchestre, et l’orchestre philharmonique). Pendant de nombreuses années, je n’ai pas réussi à associer la compassion avec une action concrète. Désormais, je le sais.